« Les SDF sont considérés comme des clandestins de la cité, qu'ils soient ou non nés en France, la pauvreté enlève toute nationalité; on ne les considère d'ailleurs plus vraiment comme des êtres humains.
Leur condition ne leur donne plus accès au territoire.
On ne leur permet pas de camper dans nos villes, eux qui polluent visuellement l'architecture urbaine de leur corps fatigué par le froid et le temps qui passe.
On refuse même qu'ils puissent se fabriquer des abris, le corps nu prend moins de place et leur disparition est encore plus souhaitable.
On ne leur permet ni de s'abriter dans la ville, ni à l'extérieur. La France, par orgueil préfère qu'ils crèvent comme des chiens plutôt qu'ils ne donnent naissance à un bidonville; car le Bidonville c'est encore ce que l'on peut leur souhaiter de mieux. Banqueroute financière ou croissance du pays, on n’investira jamais dans le pauvre, alors qu'il crève, qu'il disparaisse.
C'est un génocide silencieux qui vaut toutes les barbaries. On ne leur tire pas dessus à la kalachnikov, juste pour ne pas se salir les mains, on laisse la faim, le froid et toutes les règles et lois qu'on a mises en place s'en charger.
En leur interdisant de s'abriter, chaque hiver, c'est une balle dans la tête à chacun qu'on leur loge dans la cervelle. Mais cette balle n'est pas sans douleur, elle s'enfonce dans le crâne en arrachant les tissus, les vaisseaux, et sans jamais changer sa trajectoire; elle attendra de toute manière son but. »
Texte extrait de l'installation sonore
« Les frontières dans la ville » Viviane Riberaigua